Woleet : la preuve par le bitcoin accessible à tous

Rendre les opportunités de la blockchain accessibles à tous : l’objectif de Woleet, start-up incubée à IMT Atlantique , campus de Rennes depuis février 2016. Celle-ci propose d’ancrer dans le registre Bitcoin des preuves d’existence de documents pour faire valoir leur propriété.
« La blockchain est devenue quelque chose d’un peu fourre-tout »

Gilles Cadignan n’est pourtant pas des plus réticents ni des plus sceptiques à l’égard de la blockchain. Cette technologie, c’est la base de la start-up Woleet qu’il a cofondée. Mais cette effervescence autour d’un terme trop vague et trop inclusif l’agace un peu : « En France, la blockchain a beaucoup plus de hype que dans les autres pays. C’est un mot qui est peu retrouvé à l’étranger. » En effet, chez nos voisins comme chez Woleet, le terme à la mode est plutôt « Bitcoin ».

Car non, ce n’est pas la même chose. Bitcoin est une blockchain parmi d’autres, enregistrant toutes les transactions de la monnaie électronique du même nom. C’est aussi et surtout le premier de ces registres numériques d’un nouveau genre. Celui qui a bénéficié du plus grand nombre de contributions open source. Sept années de travail collaboratif entre développeurs du monde entier lui ont permis d’atteindre un degré de sécurité inégalé pour le moment. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Woleet travaille avec Bitcoin, et non avec d’autres blockchain.

En plus de l’aspect sécurisé, Woleet exploite également une autre propriété du registre Bitcoin : celle permettant d’enregistrer une preuve datée de l’existence d’un document numérique. Lorsque celui-ci est déposé dans cette blockchain, une transaction Bitcoin est générée et intégrée au registre. Les informations sur la transaction comportent alors une signature cryptographique du document, appelée « hash », mais pas le document lui-même. Associé à une clé seulement en possession du dépositaire, le hash permet d’authentifier le document.

woleetLa preuve d’existence 2.0

La start-up propose un service double à ses clients, basé d’une part sur la génération de cette preuve d’existence, et d’autre part sur la certification de sa présence dans le registre Bitcoin. Le cas d’usage le plus évident est celui touchant à la propriété intellectuelle ou matérielle. C’est d’ailleurs le premier sujet auquel se sont attaqués en 2015 Gilles Cadignan et ses deux cofondateurs : Vincent Barrat et Clément Pansard.

Pour protéger les créations en amont d’un dépôt de brevet, l’institut national de la propriété industrielle (INPI) propose un système appelé l’enveloppe Soleau. Pour une quinzaine d’euros, un musicien peut par exemple y glisser un CD et l’enveloppe sera archivée par l’INPI pour une durée limitée. « Nous nous sommes rendu compte qu’en utilisant le registre Bitcoin, nous pouvions proposer une solution bien moins chère — puisqu’un dépôt sur la blockchain coûte 2 à 4 centimes d’euros » raconte Gilles Cadignan. Outre son faible coût, la solution a deux avantages supplémentaires : l’objet de propriété n’est pas stocké dans des archives mais chez son propriétaire ; et la blockchain permet une preuve d’existence illimitée dans le temps, puisque la donnée reste inscrite dedans.

 

Un énorme champ d’application

De la même façon, des données de cadastre numérisées pourraient être inscrites dans le registre Bitcoin, mais aussi des diplômes d’université, ou des indices de qualité de récolte pour indexer les prix du secteur agro-alimentaire. « Ce que nous proposons, c’est vraiment une solution technique. À partir de là, les applications dépendent de ce que veulent nos clients » explique Gilles Cadignan.

La solution séduit tous les secteurs, et tous les acteurs. Les utilisateurs finaux y voient un véritable avantage pour faire valoir un titre de propriété devant un juge. Pour les entreprises, c’est aussi une sécurité plus grande face à la concurrence. Woleet vise les deux niveaux, en proposant de simplifier au maximum la complexité des tâches. « À terme, nous voulons que toute l’étape de création et dépôt du hash dans la blockchain passe par une action de glisser-déposer dans une application, ou par un plug-in embarqué dans des logiciels existants » envisage Gilles Cadignan.

En offrant également une interface de programmation, Woleet pourrait bien séduire les services informatiques des entreprises, cœur de cible de la start-up. « Nous nous plaçons principalement sur du business to business et du business to business to customer en faisant de nos entreprises clientes des relais auprès de leurs propres clients. » détaille-t-il. Dans tous les cas, l’objectif reste le même : rendre transparent le dépôt de la preuve dans la blockchain et la recherche du hash dans le registre.

 

Convaincre les entreprises d’utiliser la blockchain

Le modèle économique de Woleet est encore émergent. Gilles Cadignan l’envisage déjà comme proposant des produits vitrines pour les particuliers sur un modèle freemium (gratuit avec des options payantes), et un format d’abonnement mensuel aux interfaces de programmation en fonction du volume de dépôt pour les entreprises. « Le particulier utilisera de si petits volumes que lui offrir le service est marginal pour tout. Par contre, nous visons des entreprises qui vont vouloir déposer un million de données par mois à 2 centimes d’euros l’unité, séduites par le faible coût de la solution Bitcoin » ajoute-t-il.

Si la blockchain séduit, il lui reste encore à être acceptée par le législateur pour faciliter les démarches de reconnaissance de propriété. Actuellement, la preuve en droit commercial est libre, et le Bitcoin en offre une mathématique. Mais Gilles Cadignan et ses partenaires de Woleet aimeraient « que le juge n’ait pas à statuer, et que le processus de reconnaissance soit normalisé et rapide ». Et sur ce plan, les fondateurs de Woleet pratiquent déjà du lobbying pour donner à la blockchain une plus grande dimension légale.

Plus d'info

Source : article publié le 29 juin 2016 sur le blog Recherche et innovation de l'IMT : https://blogrecherche.wp.mines-telecom.fr/2016/06/29/woleet-bitcoin/
Publié le 30.06.2016

par Delphine LUCAS