Une nouvelle chaire dédiée aux risques émergents

Lancée en mars dernier, la chaire RITE, financée par la Région des Pays de la Loire, se penche sur les "nouveaux risques" liés au développement économique et à l'innovation. Avec une approche originale, fondée sur la transversalité et le dialogue avec toutes les parties prenantes - y compris le "grand public".

Entre les sciences "dures" et les sciences humaines et sociales, le dialogue n'est pas toujours évident - même si des progrès considérables ont été réalisés depuis une vingtaine d'années. L'Ecole s'est pourtant fait une spécialité de cette question. Et elle en apporte une nouvelle illustration avec la création récente d'une chaire intitulée "Risques émergents et technologies - de la gestion technologique à la régulation sociale" (RITE).

Portée par le département de sciences sociales et de gestion (SSG) (lien manquant sur le nouveau site) de l'école, la nouvelle chaire fait l'objet d'une convention de partenariat signée avec la Région des Pays de la Loire, qui la finance à hauteur de 380.000 euros sur trois ans. Son ambition : réunir l'ensemble des acteurs du territoire (scientifiques, mais aussi responsables publics et particuliers) autour de la gestion des risques induits par le développement technologique et économique.

Nos sociétés innovent et se développent, explique Bénédicte Geffroy, responsable du département SSG. Ce faisant, elles suscitent l'apparition de nouveaux risques, parfois mal identifiés ou diffus. Ces risques concernent aussi bien l'environnement (pollution, réchauffement climatique...) que la santé (épidémies, maladies orphelines), le nucléaire ou le numérique avec la protection des données. Ils sont autant de défis sociétaux majeurs.

Comment piloter la gestion du risque entre les différentes parties prenantes ? Où sont les limites acceptables par les uns et les autres ? Comment s'effectue la prise de décision en cas de crise ? Quelles modalités de régulation mettre en place entre les pouvoirs publics, les scientifiques et la sphère citoyenne ? Telles sont les questions auxquelles la chaire va s'efforcer d'apporter des réponses.

Pour cela, RITE adopte une démarche originale, qui repose d'abord sur une approche interdisciplinaire : les trois autres départements de l'école - le laboratoire SUBATECH, dédié au nucléaire, "systèmes énergétiques et environnement", ainsi que le pôle "automatique, productique et informatique" sont étroitement associés à ses travaux. Une habitude déjà bien ancrée pour le département SSG, qui ne se contente pas d'intervenir sur des sujets liés aux sciences sociales, mais s'intéresse particulièrement aux problématiques transverses et aux "interfaces" entre disciplines. "Travailler sur ce type de sujets nous permet de produire de réelles avancées - et c'est le cas sur le risque, estime Sophie Brétesché, enseignant-chercheur et animatrice de la chaire. L'idée est de croiser les regards, afin d'aboutir à une meilleure appréhension de la gestion des risques."

Faire collaborer des acteurs de différents horizons

Autre caractéristique marquante de la chaire : elle s'attache à instaurer un débat aussi large que possible entre la communauté scientifique et les différentes "parties prenantes", au plan local : responsables politiques, acteurs économiques et citoyens. "Nous faisons le pari de rapprocher les laboratoires de la société civile et des industriels, indique Sophie Brétesché. La société n'a pas à accepter d'emblée, sans véritable réflexion ni débat, des équipements technologiques ou industriels, quels qu'ils soient. Elle doit avoir voix au chapitre dans le processus de décision. D'une certaine façon, RITE est une chaire de médiation scientifique : il ne s'agit pas de faire de la recherche fondamentale, mais de faire collaborer des acteurs de différents horizons, sur une base scientifique." Une façon "différente" d'aborder les sujets - qui pourrait, à long terme, avoir un impact sur le fonctionnement même de l'école.

Pour l'enseignante, il faut éviter de tomber sur le piège de l'expertise apportée clés en mains par les entreprises ou les responsables politiques : "Nous ne refusons pas le travail des experts, nous ne sommes pas en concurrence avec eux. Mais nous cherchons à apporter un regard complémentaire, différent du leur, précise-t-elle. Pour le nucléaire, par exemple, l'important n'est pas tant la radio-activité en elle-même que la façon dont les habitants vivent avec, sur le terrain." Le département SSG a d'ailleurs conduit, en lien notamment avec le laboratoire SUBATECH, un travail sur les zones uranifères des sites de la Commanderie et du Chardon.

Au cours des prochains mois, l'activité de la chaire devrait déboucher sur plusieurs initiatives concrètes. Ses travaux comportent ainsi un volet consacré à la formation des élèves-ingénieurs de l'école, et qui pourrait déboucher sur des innovations pédagogiques. Un "jeu sérieux" axé sur la sûreté d'une centrale nucléaire a déjà été créé à l'initiative du SSG dans le cadre de sa chaire RESOH (REcherche en Sûreté Organisation Hommes).

Ce n'est pas tout. Un réseau scientifique à l'échelle du territoire nantais devrait également voir le jour, visant notamment à sensibiliser les citoyens à la prévention des risques. Enfin, dès l'automne prochain, des "Journées du risque", premières du genre, seront organisées à Nantes. Pour la nouvelle chaire, les chantiers ne manquent pas...

 

Les premières "Journées du risque", en novembre, à Nantes

"Nucléaire, hommes et société" : tel sera le thème des premières "Journées du risque", organisées conjointement par les deux chaires RITE et RESOH du département SSG de l'Ecole, du 16 au 18 novembre, à la Cité des congrès de Nantes. Objectif : rassembler l'ensemble des acteurs (industriels, associations, organismes publics, chercheurs) travaillant sur les différents enjeux (humains, organisationnels, sociétaux) liés à l'exploitation du nucléaire. Plusieurs professeurs étrangers de renom seront également invités. Une première journée sera particulièrement destinée aux doctorants, après évaluation de leurs propositions.

Au coeur des échanges, une question clé : comment concilier l'impératif de fiabilité des installations avec la nécessaire performance - au plan économique, industriel, environnemental... ? Une question qui se pose pour toutes les industries à risques, mais qui revêt une acuité toute particulière dans le cas de la filière nucléaire.

Ces "Journées du risque" devraient aussi s'articuler avec les recherches menées dans le cadre du projet Agoras, lancé à la suite de l'accident de Fukushima, et du projet Needs, coordonné par le CNRS.

Trois thématiques ont été retenues, qui font l'objet d'un appel à contribution :

- enquêter dans le nucléaire : comment accéder aux données ? Comment les communiquer ? Autrement dit, comment s'organise la recherche d'informations avec des acteurs multiples - médecins, industriels... ?

- hommes et organisations en réseau : comment gérer les risques et la sûreté industrielle dans des organisations aussi complexes que celles du nucléaire, qu'il soit civil ou militaire - notamment avec leurs autorités de tutelle et leurs sous-traitants ?

- les territoires du nucléaire : comment gérer l'intégration des installations nucléaires dans des espaces habités ? Quel traitement des déchets ? Comment délimiter les frontières d'un territoire contaminé ?

En parallèle, deux "Soirées citoyennes", ouvertes au grand public, sont également prévues. Elles visent à engager le dialogue avec les particuliers, à recueillir leur vision, et à les sensibiliser aux problématiques traitées. Ces "Soirées" seront organisées en liaison avec l'Institut Kervégan, un cercle de réflexion sur les problématiques économiques et sociétales des territoires de l’Ouest de la France, et dont l'ambition est notamment de "favoriser le croisement des connaissances et des analyses entre générations, disciplines ou professions".

 Par la suite, ces "Journées du risque" seront rééditées, avec d'autres thématiques : les perturbateurs endocriniens, en 2017, puis la société du numérique, en 2018. Là encore, de nombreux acteurs de tous horizons seront mis à contribution.

Publié le 01.06.2016

par IMT Atlantique

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