Le projet de recherche Cerebro vise à fournir des images très fines et complètes de l'activité électrique du cerveau, grâce à un procédé non invasif reposant sur l’injection d’un nouveau produit de contraste.
En matière d’imagerie cérébrale, c’est peut-être une avancée majeure qui se prépare avec le projet Cerebro, auquel participent des chercheurs d’IMT Atlantique. Cerebro vise en effet à obtenir des informations précises et complètes sur l'activité cérébrale, de manière non invasive, grâce à un produit de contraste innovant. Ce qui constituerait un progrès décisif en neuro-sciences, notamment pour le dépistage et le diagnostic de maladies (épilepsie, cancers…) et leur traitement.
Jusqu’à présent, une technique « classique » pour imager l'activité du cerveau est celle de l’électroencéphalogramme (EEG), qui se pratique en installant des électrodes sur le cuir chevelu du patient. Mais sa résolution reste faible, car la boîte crânienne, très résistive, perturbe la transmission du signal. Pour éviter cet effet de blindage, on peut implanter les électrodes sous le crâne (ce qu’on appelle ECoG) ou dans le cortex cérébral (StereoEEG). Deux méthodes qui donnent de bons résultats - mais donnent seulement accès à des informations locales sur l'activité cérébrale. Et surtout, elles sont très invasives : elles nécessitent une trépanation du crâne du patient.
François Rousseau, professeur au département Image et Traitement de l'Information (ITI) et Adrien Merlini, enseignant-chercheur au département Micro-Ondes (MO).
Cerebro vise à modifier le signal électrique émis par le cerveau
D’où la démarche de Cerebro, qui vise à augmenter la résolution de l'imagerie non-invasive pour parvenir au même niveau de précision que les méthodes invasives. Comment ? En injectant dans le sang du patient un « produit de contraste », de nature électronique, qui permette d’obtenir une lecture précise du signal, sans ouvrir la boîte crânienne.
« Notre objectif est double, explique Adrien Merlini, enseignant-chercheur au département Micro-ondes (MO) d’IMT Atlantique : il s’agit d’abord de modifier le signal électrique émis par le cerveau, afin de faciliter sa transmission, grâce au produit de contraste. Ensuite, d’utiliser de nouveaux moyens à la fois pour récupérer ce signal et pour mieux le mesurer, en nous appuyant sur les méthodes de l’analyse de données.»
L'équipe Cerebro utilisera pour cela des algorithmes employés notamment en océanographie, ainsi que des techniques d’apprentissage profond.
De nombreux partenaires impliqués
Par rapport à l’électroencéphalogramme traditionnel, Cerebro introduit un véritable changement de paradigme : c’est toute la chaîne de transmission et de traitement du signal qui évolue. « En imagerie cérébrale, la plupart des acteurs cherchent à extraire un maximum d’informations de l’image obtenue. Notre démarche est différente : nous cherchons d’abord à changer l’information », souligne François Rousseau, professeur au département Image et traitement de l’information (ITI) de l’école. La partie la plus délicate et la plus innovante étant la mise au point d’un produit de contraste dépourvu de toute nocivité. Sur ce point, plusieurs pistes sont envisagées.
Le projet fédère de nombreux partenaires : le Politecnico de Turin, qui coordonne l’ensemble et travaille à l’élaboration du produit de contraste, l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), ainsi que G.Tech, une PME autrichienne spécialisée dans les appareils de mesure et les électrodes. L’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) est également partenaire. IMT Atlantique, de son côté, est chargée du traitement du signal et de sa modélisation, en lien avec un radiologue et un neuro-chirurgien du CHU de Brest, qui apportent leur retour sur « l’acceptabilité » par les patients.
Cerebro, retenu dans le cadre du programme européen EIC Pathfinder Open
Cerebro a été retenu dans le cadre du programme européen « EIC Pathfinder Open », piloté par le Conseil européen de l’innovation. Un programme très sélectif, qui soutient des projets susceptibles de conduire à des innovations de rupture. Lancé en octobre 2022, Cerebro a obtenu un budget de 2,5 millions d’euros, pour une durée de 48 mois. De quoi financer une thèse qui a démarré sur le campus de Brest au sein du LaTIM (Laboratoire de traitement de l’information médicale) (1), en collaboration avec un autre laboratoire, le Lab-STICC (2). Une deuxième thèse devrait être lancée bientôt. Le recrutement d’un « post-doc » est également prévu.
À terme, l’équipe envisage de concevoir un appareil de mesure pour une application clinique. Déjà, un industriel s’est montré intéressé. « Pour l’heure, nous en sommes encore en phase très amont, indique Adrien Merlini. Nous ne faisons pas encore de test sur des humains. Nous devons d’abord montrer que le concept est viable - et nous comptons bien y parvenir. L’étape suivante consistera, avec un nouveau financement, à fiabiliser la technologie. C’est seulement après que nous pourrons passer à la production industrielle. » Projet prometteur, Cerebro s’inscrit donc dans une perspective de long terme.
(1) Le LaTIM est une unité mixte (UMR 1101) de l'Inserm, de l'Université de Bretagne Occidentale et d’IMT Atlantique, en lien avec le CHU de Brest.
(2) Laboratoire des Sciences et technologies de l’information, de la communication et de la connaissance. Il réunit IMT Atlantique, l’ENSTA Bretagne, l’UBO, l’Université de Bretagne Sud (UBS), l’ENI Brest et le CNRS (UMR 6285).
par Fabienne MILLET-DEHILLERIN