Chercheur de renommée internationale, Andrey Kalinichev étudie le comportement des résidus radioactifs au contact des roches de type argileux utilisées comme barrière, dans le cadre de la chaire d’IMT Atlantique dédiée au stockage de ces déchets. Des travaux qui peuvent jouer un rôle clé dans le projet de site d’enfouissement de Bure.
Que faire des déchets radioactifs ?
Que faire des déchets radioactifs ? Comment vont - ils évoluer avec le temps ? Et quels sont réellement les risques ? Alors que les pouvoirs publics français viennent d’annoncer la relance de la filière nucléaire et que plusieurs autres pays s’engagent sur la même voie, la question des résidus de cette industrie se pose avec acuité. D’autant que, dans le même temps, le projet d’enfouissement sur le site Cigéo de Bure avance à grands pas.
C’est sur ce sujet (entre autres) que planche depuis une bonne dizaine d’années Andrey Kalinichev, chercheur à SUBATECH (Laboratoire de physique subatomique et des technologies associées) une unité mixte de recherche associant le CNRS/ IN2P3, IMT Atlantique et l’Université de Nantes.
Ce spécialiste de chimie physique affiche un profil singulier : d’origine russe, il a travaillé aux Etats-Unis, avant de rejoindre IMT Atlantique, et depuis 2010, la chaire « Stockage et entreposage des déchets radioactifs » qui réunit l’Andra (1), Orano (l’ex-New Areva), EDF et la Fondation EDF. Créée en 2009, cette chaire a déjà été renouvelée deux fois, en 2014 et 2019.
Andrey Kalinichev étudie le comportement des résidus radioactifs
« Nous ne travaillons pas sur des solutions technologiques immédiatement applicables, prévient d’emblée Andrey Kalinichev. Ce que nous faisons, c’est avant tout de la recherche fondamentale : il s’agit de modéliser le comportement des éléments radioactifs et leurs interactions au contact de matériaux comme l’argile ou le béton, jusqu’à l’échelle de l’atome. » Ces radionucléides, dont l’activité peut varier dans des proportions considérables, ont une durée de vie allant de quelques femto-secondes (2) à plusieurs millions d’années. « Nous cherchons à analyser de la façon la plus précise possible des phénomènes comme l’adsorption et rétention de radionucléides dans les roches argileuses et les matériaux cimentaires, ou la corrosion des matériaux métalliques soumis à des radiations, qui peuvent affecter les performances à très long terme des roches argileuses comme barrière », poursuit le chercheur.
De nombreuses pistes de recherche
Avec ses collègues, Andrey Kalinichev a notamment développé un champ de force baptisé ClayFF, qui permet de modéliser, à l’aide de puissants moyens informatiques, le comportement de matériaux en couches, et en particulier des minéraux argileux ou assimilés. « Nous espérons ainsi fournir une base solide de connaissances pour les technologies de stockage souterrain de ces déchets », indique-t-il. Il étudie aussi le comportement des radionucléides sous forme gazeuse dans les alvéoles d’un site de stockage géologique. De quoi améliorer grandement la capacité à prédire la sûreté de ce type de confinement à très long terme - sur des périodes de plusieurs milliers d’années, voire beaucoup plus. Ces travaux ont en outre permis à SUBATECH d’acquérir une visibilité internationale de premier plan.
Andrey Kalinichev est l’un des chercheurs qui comptent à leur actif le plus grand nombre de publications de haut niveau en matière de chimie physique et chimie des matériaux (une quinzaine d’articles parus dans des revues internationales au cours des trois dernières années seulement). Il intervient aussi dans de nombreux colloques scientifiques.
Parallèlement à la chaire, Andrey Kalinichev collabore avec le département Systèmes Energétiques et Environnement de l’école. Il s’intéresse à d’autres sujets, notamment à la « séquestration » géologique du dioxyde de carbone. Et ses travaux pourraient s’appliquer à bien d’autres domaines, comme l’extraction éco-responsable de gaz de schiste, ou encore la livraison ciblée de médicaments dans le corps humain. Ils pourraient même apporter un éclairage sur les origines de la vie en aidant à développer une meilleure compréhension à l'échelle moléculaire fondamentale des effets catalytiques des surfaces minérales sur la synthèse organique prébiotique au début de l'histoire de notre planète.
« Tous ces sujets intéressent bien sûr le grand public, qui s’en inquiète parfois, observe Andrey Kalinichev. Il s’agit de questions très complexes, auxquelles il n’existe pas de réponses simples. C’est pourquoi nous devons nous attacher à rendre nos connaissances accessibles au plus grand nombre, afin d’améliorer la confiance de la société dans les choix des industriels. C’est un enjeu très important. »
(1) Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
(2) femto-secondes : une seconde X 10 puissance -15
par Fabienne MILLET-DEHILLERIN