Dans le cadre du projet européen MySmartLife dédié aux villes « intelligentes », une équipe pluridisciplinaire d’IMT Atlantique se penche sur les réseaux de chaleur. Avec un double objectif : modéliser et optimiser le réseau du centre-ville de Nantes, et proposer aux exploitants un outil d’aide à la décision intégrant les aspects multi-acteurs. Une démarche originale à plus d’un titre.
Comment rendre la ville plus « durable » - autrement dit, à la fois plus économe en énergie, dotée d’infrastructures plus efficaces, offrant davantage de mobilités « douces », et au final plus « inclusive » pour ses habitants ? C’est le thème d’un projet de la Commission européenne baptisé MySmartLife. Lancé en 2016 pour une durée de cinq ans et doté de 18 millions d’euros, celui-ci regroupe plus de 150 actions reposant sur des solutions innovantes (en matière d’éclairage public, d’énergies renouvelables, de transports…), avec des démonstrateurs à Nantes, Hambourg et Helsinki. Des initiatives qui pourront ensuite être dupliquées par d’autres villes de l’Union : Bydgoszcz en Pologne, Rijeka en Croatie et Palencia en Espagne.
Une équipe d’enseignants-chercheurs d’IMT Atlantique a relevé le défi, en prenant pour objet la question des réseaux de chaleur. Présent dans un nombre croissant d’agglomérations, ce type d’équipement et son évolution s’avèrent particulièrement complexes à gérer. Plutôt que de réaliser un travail théorique, les chercheurs de l’école ont choisi de se pencher sur un réseau existant, celui de Centre Loire : implanté en coeur de ville de Nantes, il compte quelque 380 sous-stations pour une longueur totale de 85 kilomètres, couvrant ainsi plusieurs quartiers. Une dizaine de partenaires sont associés au projet* .
Une multitude de paramètres à intégrer
Un premier chantier a consisté à modéliser et optimiser le réseau, en traitant les masses de données collectées pour l’ensemble des sous-stations étudiées. Un travail qui repose avant tout sur l’expertise en matière de modélisation des systèmes énergétiques, en conditions réelles de fonctionnement. Ensuite, l’équipe s’est attelée à la mise au point d’une méthodologie d’aide multi-critères à la décision pour les gestionnaires du réseau. « De multiples paramètres doivent être pris en compte. Modifier l’infrastructure, par exemple, peut certes améliorer l’efficacité du réseau ; mais cela aura un coût - variable suivant la nature des travaux - pour la collectivité et l’exploitant, et impactera aussi la qualité de vie des habitants, à cause des nuisances générées par le chantier, expose ainsi Patrick Meyer, enseignant-chercheur au département Logique des Usages, des Sciences Sociales et de l'Information (LUSSI) d’IMT Atlantique. En outre, de nombreux acteurs sont concernés : les riverains, mais aussi la métropole, les abonnés au réseau, l’exploitant… Chacun avec son point de vue et sa logique. C’est tout cela que nous essayons d’intégrer. » Pour modifier le réseau, il faut donc évaluer les différents scenarii.
« Les informations fournies par les modèles techniques ne sont qu’une des composantes du processus complexe de décision d’actions sur les systèmes énergétiques urbains tels que les réseaux de chaleur. C’est la richesse d’une approche interdisciplinaire qui nous permet de traiter cette complexité », souligne Bruno Lacarrière, enseignant-chercheur au Département Systèmes Energétiques et Environnement (DSEE) de l’école.
Une démarche prometteuse
L’originalité de la démarche est donc double. D’abord, elle associe une expertise dans le domaine de l’énergie au traitement des données de l’opérateur et à l’aide à la décision, mobilisant ainsi deux domaines d’excellence de l’école : les questions énergétiques et le numérique. De plus, elle ne se contente pas d’une logique purement « technique ». Il s’agit en effet d’analyser et d’intégrer l’ensemble des points de vue des différentes parties prenantes et leurs préférences.
Le projet dans son ensemble est aujourd’hui dans sa deuxième phase (évaluation des actions déployées dans les villes). L’objectif est maintenant de vérifier que les gains énergétiques attendus sont bien là. Concernant les actions portées par IMT Atlantique, « l’analyse des différents scenarii d’amélioration de la distribution de chaleur dans le réseau a permis de démontrer l’apport de nos solutions, indique Bruno Lacarrière. Leur mise en oeuvre, en revanche, n’entre pas dans le cadre du projet : il appartiendra donc aux différentes parties concernées de se les approprier. »
« Le projet MySmartLife est en phase avec les problématiques actuelles de maîtrise de l’énergie et de réduction des émissions, observe de son côté Patrick Meyer. Il l’aborde en intégrant la complexité de la ville, et avec une démarche participative de ses acteurs et usagers. » L’équipe a d’ailleurs appliqué la même démarche à l’amélioration du système d’assainissement de la ville de Brest. Plusieurs autres domaines potentiels d’application du dispositif d’aide à la décision, comme la recharge de voitures électriques, ont également été identifiés.
(*) https://www.mysmartlife.eu
En savoir plus
par Fabienne MILLET-DEHILLERIN