Des multiples perspectives offertes par les essaims de drones

Utiliser des flottes de drones pour l’observation ou la communication - mais aussi pour recharger à distance les batteries de réseaux d’objets connectés. L’idée, encore neuve, pourrait déboucher sur de multiples applications dans une foule de domaines - l’agriculture, l’industrie 4.0, la surveillance des océans, l’analyse des mouvements de foule, les secours en cas de catastrophe naturelle…

De la photo aérienne à la surveillance des foules, des usages ludiques à la guerre en Ukraine… On ne compte plus les applications des drones. Une équipe d’IMT Atlantique, de son côté, va plus loin : elle planche sur la mise en œuvre non pas d’un seul drone, mais d’une flotte entière, composée de dizaines, voire de centaines de ces appareils. Yann Busnel, responsable du département Systèmes réseaux, cybersécurité et droit du numérique (SRCD) de l’école, a ainsi effectué une présentation remarquée sur ce sujet à Rio de Janeiro, au Brésil, en décembre dernier, lors de la conférence GlobeCom 2022, organisée chaque année par l’IEEE, une société savante de rang mondial qui vise à stimuler l’innovation dans la communication.

Yann Busnel

A l’origine, Yann Busnel est un spécialiste de l’algorithmique distribuée - autrement dit, la manière de faire fonctionner ensemble plusieurs ordinateurs pour accomplir des tâches complexes, chacun d’eux en prenant en charge une partie. « Nous sommes partis de cette idée pour l’appliquer aux drones, explique-t-il. Ces appareils sont de moins en moins chers, et de plus en plus autonomes et performants. Cela ouvre des perspectives. »

Aider les secours lors d’un sinistre

Avec ses collègues Christelle Caillouet, David Coudert et Igor Dias Da Silva, de l’Université Côte d’Azur et l’Inria, il a notamment planché sur l’utilisation d’un essaim de drones lors d’un sinistre - tsunami, tremblement de terre, avalanche… « Après une catastrophe, le réseau de communication est en général défaillant, expose le chercheur. On pourrait donc lancer une flotte de drones, qui échangeraient des messages entre eux pour se coordonner, et pourraient ainsi voler de façon « structurée ». Cela permettrait de recréer une sorte de réseau, capable de communiquer avec des objets connectés au sol - smartphones, par exemple - pour géolocaliser les victimes et envoyer leurs coordonnées aux équipes de secours. » Des articles sur le sujet ont été publiés en 2019 et 2020 *.
Par la suite, Yann Busnel et sa petite équipe ont poursuivi leurs travaux avec une chaire de Rennes Métropole, en partenariat avec Rennes School of Business dédiée à la gestion des désastres, sur des questions comme l’évacuation de la population en cas de guerre ou de danger imminent. Les flottes de drones permettraient notamment d’analyser les mouvements de foule et/ou de coordonner les opérations de secours.
 
L’équipe s’est également intéressée aux objets connectés fonctionnant sur batterie, de plus en plus répandus dans de nombreux domaines, et avec lesquels des essaims de drones pourraient communiquer. Ainsi dans l’agriculture de précision : des capteurs connectés installés sur des pieds de vigne permettraient par exemple de repérer et prévenir des épisodes de gel ou de maladie, mais aussi de fournir des doses contrôlées d’engrais ou de produits phytosanitaires… Les flottes de drones pourraient aussi être utilisées en océanographie, pour surveiller les surfaces maritimes.

Recharger à distance les batteries d’objets connectés

Autre domaine dans lequel les essaims de drones pourraient être utiles, l’usine du futur. « Les sites industriels comportent de plus en plus de capteurs, chargés de réaliser une foule de mesures, note Yann Busnel. Or la plupart de ces équipements fonctionnent sur batterie. Même si leur consommation d’électricité reste très faible - d’autant qu’ils sont le plus souvent, à l’état « dormant » - se pose le problème de la recharge de ces batteries. » Comment procéder ?
C’est ici qu’intervient une technologie assez récente : la recharge sans fil, par radio-fréquence, l’onde émise par l’antenne d’un drone étant alors porteuse d’énergie. Il est donc possible d’alimenter des appareils à distance, en quelques secondes : il suffit de les faire survoler par un drone équipé d’une batterie puissante. « On peut encore optimiser le dispositif en utilisant un algorithme qui planifie le parcours des drones, afin de recharger l’ensemble du parc », précise Yann Busnel. Le tout reposant sur des calculs complexes : il faut déterminer l’altitude de vol et la position optimale des drones pour alimenter une série d’objets en parallèle, préciser la durée requise pour chaque recharge… Un dispositif qui pourrait aussi s’avérer utile dans le cas de vastes entrepôts.
Les essaims de drones pourraient donc trouver de très nombreuses applications. Outre l’industrie 4.0, on peut encore citer le carénage des gros navires, la surveillance d’espaces naturels… et même la gestion de la biodiversité. « Des drones volant assez haut pourraient collecter différentes données sur des animaux sauvages - leur comportement, leur taille, leur nombre… ». Ces essaims pourraient ainsi contribuer à atteindre les objectifs du développement durable (ODD) de l’ONU.
Jusqu’à présent, l’équipe s’est concentrée sur la recherche théorique et la simulation sur ordinateur. Mais elle compte bien passer à la vitesse supérieure. Prochaine étape : réaliser une preuve de concept, et notamment vérifier si des interférences ou d’autres phénomènes peuvent venir perturber le fonctionnement des flottes de drones. Dans le cadre de la chaire à Rennes School of Business, une douzaine de drones viennent d’être commandés, pour des tests en situation réelle. L’équipe compte aussi accueillir d’autres doctorants. Et elle répond à des appels à projets pour trouver des financements. « Nous travaillons sur un sujet encore balbutiant. Mais nous avons de nombreux projets, assure Yann Busnel. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire… »

Yann Busnel et les essaims de drones

Publié le 01.02.2023

par Fabienne MILLET-DEHILLERIN

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