Le phototraçage parallèle est une expertise développée depuis de nombreuses années au sein d’IMT Atlantique. L’école tient ainsi un rôle majeur dans le projet européen FABulous, dont l’objectif est de concevoir avec cette méthode des structures 3D fonctionnelles à des échelles micro- et nanoscopiques. Les applications de ces microstructures à hautes performances optiques ou photoniques vont de l’industrie automobile à la culture de cellules biologiques.
Le développement de photographies est une pratique en voie de raréfaction. Pourtant, le fait d’utiliser la lumière pour transférer le dessin d’un masque sur une couche photosensible est un terrain de recherche prolifique… mais à des échelles microscopiques. C’est le principe de la photolithographie, une technique fondamentale pour créer notamment les minuscules circuits et composants électroniques de nos objets connectés.
À IMT Atlantique, Kevin Heggarty explore depuis près de vingt ans cette technologie, et en particulier le phototraçage parallèle. Le chercheur et son équipe mobilisent leur expertise sur le projet européen FABulous, pour fabriquer des composants optiques avec des surfaces fonctionnelles en 3D à micro-échelle et haute résolution.
L’écriture au laser : de deux à trois dimensions
Le phototraçage ou photolithographie est l’écriture de motifs à l’aide d’un faisceau lumineux (laser) ou d’électrons, dans des matériaux photosensibles, typiquement de la résine photopolymérisable. Cette dernière, par exemple, polymérise sous l’action de la lumière : elle passe d’un état liquide-pâteux à un état solide. Sa surface est ensuite rincée, évacuant la résine encore à l’état liquide et ne laissant que la résine polymérisée.
Cette technique permet de fabriquer des structures en 2D, sur des couches de résine fines ; mais aussi des structures en 3D, dans des couches de résine plus épaisses, « comme une imprimante 3D, mais avec une résolution plus petite qu’un micron », illustre Kevin Heggarty. Elle requiert alors l’utilisation de laser à impulsion ultra-court, dit « femtoseconde ». « Ces lasers augmentent l’intensité lumineuse instantanée, avec pour effet de ‘confiner’ la polymérisation en 3D. Ce qui n’est pas le cas des sources lumineuses simples, type LED ou laser classique, qui polymérisent tout sur leur passage. Il est alors très difficile, voire impossible, de faire des structures 3D haute résolution », complète le chercheur. Cette technique spécifique de photolithographie est appelée « multi-photons ».
Vers un phototraçage multi-faisceaux plus rapide
Si la technologie du phototraçage est employée depuis près de quarante ans pour l’écriture en 2D, le phototraçage 3D n’est, lui, commercialisé que depuis une petite dizaine d’années. La technique est appliquée à de nombreux domaines : en optique et en photonique notamment, pour la fabrication de structures de la taille d’une longueur d’onde. Elle est utilisée par exemple pour fabriquer des filtres de couleurs ou des filtres anti-reflets pour les caméras automobiles, mais intéresse également les biologistes, pour la conception d’échafaudages micro-nanoscopiques pour aider à la culture de cellules. La technologie est cependant commercialisée sous sa forme mono-faisceau, c’est-à-dire qu’elle n’utilise qu’un seul faisceau qui trace point par point « L’écriture prend donc un certain temps », souligne Kevin Heggarty.
Pour y palier, le chercheur et son équipe explorent depuis une vingtaine d’années une technique qui consiste à écrire avec plusieurs faisceaux laser en parallèle – et donc plus vite : le phototraçage parallèle. Si le procédé a déjà été appliqué au phototraçage mono-photon (en deux dimensions), il n’avait en revanche jamais été combiné à du multi-photons … jusqu’à de récentes avancées en la matière. Sollicitée pour son expertise, l’équipe de Kevin Heggarty rejoint alors le projet H2020 PHENOmenon, « pour essayer d’appliquer notre savoir-faire sur la parallélisation de l’écriture à cette nouvelle technique de lithographie multi-photons », expose le chercheur.
Des faisceaux pas si parallèles
Les scientifiques d’IMT Atlantique développent alors un phototraceur capable de concevoir des microstructures uniques, en divisant un laser puissant en milliers, voire dizaines de milliers, de faisceaux. Le projet est un franc succès et les équipes de recherche sont encouragées à y donner une suite. « Ce que nous avons fait en montant FABulous, avec un consortium légèrement modifié pour pallier les limites identifiées sur PHENOmenon », complète Kevin Heggarty. Notamment le fait que « nous observons au microscope électronique des déviations entre le motif ou la structure obtenue, et l’objet initialement programmé avec les données entrées dans le phototraceur », expose le chercheur. En cause : les effets de proximité.
Dans la technique du phototraçage parallèle, les faisceaux doivent être très proches les uns des autres : plus ils sont proches, plus il peut y avoir de faisceaux qui écrivent en même temps et vite. Mais s’ils sont trop proches, les faisceaux interagissent au niveau de la résine, ce qui produit un changement chimique non-désiré dans la réaction de polymérisation : ce sont les effets dits « de proximité ». Classiquement, les couches de résine sur lesquelles les faisceaux écrivent sont très fines donc il n’y a pas d’interaction verticale. Mais pour la fabrication de structures 3D, l’épaisseur de la couche de résine induit des interactions entre les faisceaux, non seulement dans le plan d’écriture, mais aussi dans les plans supérieurs et inférieurs. Les effets de proximité se répercutent donc dans les trois dimensions d’écriture.
Pré-compenser les effets de proximité
Ces interactions ne peuvent pas être évitées, mais peuvent en revanche être atténuées. « Il est possible de fabriquer des résines qui vont minimiser les effets de proximité – c’est l’un des rôles de notre partenaire en Grèce sur FABulous – ou encore de travailler sur la source lumineuse, comme nous le faisons », énonce Kevin Heggarty. « Mais c’est surtout la compréhension des interactions entre les faisceaux et la résine qui va permettre de les corriger. »
Les scientifiques de l’institut Fraunhoffer IISB – l’un des nouveaux partenaires du consortium de FABulous – sont spécialisés dans la modélisation de l’interaction photochimique de la lumière avec la résine. Ils sont donc capables de simuler et prédire les interactions, afin de « pré-compenser » les données d’écriture. Cette mesure corrective amène à mettre plus de lumière sur certains endroits que sur d’autres pour compenser les effets de proximité – le fait que les rayons interagissent – et permet donc d’obtenir le résultat attendu.
Pour les besoins du projet FABULOUS, un phototraceur dédié au phototraçage parallèle, est en cours de montage dans les salles blanches.
Crédits : FABULOUS Project
Des modèles pour fabriquer sans perte de fidélité
« La nouveauté c’est que ces modélisations et techniques sont connues en 2D, mais pas en 3D ! », s’enthousiasme Kevin Heggarty. L’équipe d’IMT Atlantique fabrique et caractérise donc des microstructures par phototraçage parallèle. Les données de tracé – correspondant à l’objet souhaité – et les dimensions réelles des microstructures obtenues viennent alimenter les modèles de Fraunhoffer IISB qui tente d’étendre son savoir-faire à la 3D.
Les modèles sont alors calibrés pour représenter ce qu’il se passe réellement dans la résine sur la base des données entrées dans la machine, et inversement, fournir les corrections à apporter aux données pour obtenir fidèlement l’objet souhaité. « Nous nous accordons avec Fraunhoffer IISB sur le type de structure susceptible de donner le plus d’infos », détaille Kevin Heggarty. « D’abord, des structures simples à tracer et analyser ; puis plus les modèles prédictifs s’améliorent, plus nous les alimentons avec des structures complexes. » L’objectif in fine est d’avoir des modèles précis, les plus proches possibles de la réalité, et des structures avec le plus de résolution, pour passer d’un processus fonctionnel à des petites échelles, de quelques millimètres carrés, à des démonstrateurs sur des surfaces de plusieurs centimètres carrés.
Un consortium de 9 participants
Le projet FABulous (FABrication of 3D metasurfaces to enable the next generation of high efficiency optical products) a été lancé le 1er décembre 2022 pour une durée de 4 ans. Il répond à un appel à projet du programme Horizon Europe, autour des traitements de surfaces et leur intégration fonctionnelle, et bénéficie d’un financement de 5,5 millions d’euros. Cette somme est répartie entre les 9 participants du consortium de recherche, en Allemagne, Belgique, Espagne, France et Grèce.
Plus d’informations sur le site web du projet : le projet Fabulous 3D à IMT Atlantique et Fabulous3d.eu
Plus d'info
Cet article est republié à partir du blog I'MTech.
Lire l'article original : « Des microconstructions au laser absolutely FABulous ! »
par IMT Atlantique