Innovation, responsabilité sociale, numérique : comment les PME jonglent avec les différentes transitions

Une équipe pluridisciplinaire, à laquelle participent plusieurs enseignants-chercheurs d’IMT Atlantique, étudie les pratiques des petites et moyennes entreprises de l’Ouest de la France en matière d’innovation, de RSE et de numérique. Ces différents objectifs se complètent-ils, évoluent-ils en parallèle ou au contraire s’opposent-ils ?

Comment les PME des régions Bretagne et Pays de la Loire concilient-elles innovation et responsabilité sociale ? Et comment ces deux préoccupations s’articulent-elles avec l’essor du numérique ? Tel est le sujet sur lequel se penche depuis plusieurs mois une équipe de trois chercheurs membres d’un GIS (*) dédié à la société de l’information, le réseau Marsouin (Môle armoricain de recherche sur la société informatique et les usages d’Internet). Créé en 2002, Marsouin associe 18 laboratoires de recherche - principalement de l’Ouest de la France - et réunit des experts qui analysent la montée en puissance du numérique au prisme de différentes disciplines : économie, sociologie, géographie, droit, sciences de l’éducation…
« Nous cherchons à comprendre comment l’innovation peut offrir aux PME l’occasion de mettre en oeuvre leur engagement dans la RSE, et si le recours aux outils numériques joue un rôle dans cette démarche, explique François Deltour, chercheur au département de Sciences sociales et gestion d’IMT Atlantique et membre du réseau Marsouin. Autrement dit, l’innovation peut-elle aider à relever les défis induits par les transitions environnementale, sociétale et numérique ? »

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Pour cela, l'équipe composée de François Deltour, Virginie Lethiais, chercheure au département Logique des Usages, des Sciences Sociales et de l'Information, Fabien Collas, statisticien au GIS Marsouin et Sébastien Le Gall, chercheur à l'Université de Bretagne Sud a intégré dans l’enquête de l’observatoire porté par Marsouin des questions qui permettent de caractériser de manière très concrète à la fois le développement numérique des PME, les formes d’innovations menées et les pratiques des PME en matière de RSE (volet environnemental, qualité de vie au travail, contribution au développement local). Ce questionnaire a été soumis en 2021 à quelque 27 000 entreprises de Bretagne et des Pays de la Loire, avec près de 2 900 répondants. Les réponses de 903 PME innovantes ont été traitées, ce qui a permis d’élaborer une typologie qui appréhende leur manière d’innover.

Des pratiques d’entreprises très diversifiées

L’enquête met d’abord en lumière la grande diversité des pratiques sur ces sujets. Certes, on peut concevoir de façon intuitive que les entreprises qui  s’engagent dans l’innovation le font, dans leur grande majorité, en mettant à la fois en place des nouveaux produits ou services et également des nouveaux procédés de production ou de distribution. Mais d’autres comportements s’avèrent moins prévisibles. Il apparaît ainsi que les trois dimensions de la RSE sont le plus souvent appréhendées simultanément et de manière équivalente par les PME dans leurs innovations - avec toutefois un léger avantage pour les questions sociales. « La RSE reste le plus souvent pour elles un concept assez global, note François Deltour. Il arrive même qu’elles fassent de la RSE sans le savoir… D’un autre côté, elles ont conscience qu’elles ne réussiront à innover que si leurs collaborateurs se mobilisent. Elles savent qu’il peut y avoir une sanction du marché, mais aussi une sanction en interne. »
Autre constat : si certaines PME prennent en considération de manière prioritaire les impacts RSE dans leurs innovations, cet engagement ne passe pas forcément par un accompagnement numérique. La transition durable et le numérique peuvent se mettre en place parallèlement - et parfois même de façon antagoniste.
Enfin, les entreprises déjà fortement engagées dans la démarche RSE ont plutôt tendance, lorsqu’elles cherchent à innover, à prendre de nouveau en considération les impacts en termes de RSE de ces innovations.
A noter encore que l’engagement dans la RSE ne conduit pas les entreprises à remettre en cause leur business model. « Elles procèdent davantage à des adaptations à la marge, avec des effets sur l’environnement, observe François Deltour. Avec l’idée que ce qui est bon pour l’environnement peut aussi être bon pour elles. »
Pour François Deltour, ces travaux pourraient, par la suite, déboucher sur de nouvelles recherches, avec une démarche ethnographique plus approfondie qui permettrait notamment de documenter à quel moment exact le numérique est un levier lors du processus d’innovation et dans quelle mesure il contribue à des innovations plus responsables.

Ce type de recherche permet en tout cas d’enrichir l’enseignement dispensé à l’école, notamment en faisant prendre conscience aux élèves-ingénieurs des réalités et de la complexité, pour les entreprises, de la mise en oeuvre des objectifs du développement durable. De quoi, aussi, peut-être, susciter chez les étudiants un intérêt accru pour les PME…

(*)  Groupement d’intérêt scientifique.

Publié le 13.07.2022

par Fabienne MILLET-DEHILLERIN

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