La plate-forme KIMI pour « Knowledge sharing In Medical Imaging » est un outil de suivi de la formation professionnelle en gastro-entérologie. Organisée autour d’images endoscopiques, elle permet la collaboration à distance et en temps réel entre apprenants et spécialistes, avec une ergonomie très avancée.
Le projet KIMI propose une approche inédite de la formation professionnelle médicale. L’idée : offrir aux participants une plate-forme logicielle « temps réel » d’apprentissage et d’échange, s’appuyant sur des images fournies par l’endoscopie. Dédiée à la gastro-entérologie, KIMI se distingue ainsi des autres outils en ligne à vocation éducative.
« En règle générale, la formation continue en médecine se heurte à plusieurs difficultés, explique Cédric Dumas, enseignant-chercheur en informatique à IMT Atlantique, spécialiste des interfaces homme/machine et porteur du projet. Elle prend du temps, elle coûte cher, le nombre de places est limité… Et dans les petits hôpitaux, les médecins n’ont pas toujours de référent. Pire encore : bien souvent, les compétences acquises pendant la formation se diluent, car elles ne sont pas appliquées… Bref, il existe des pertes à tous les niveaux. » KIMI vise à pallier ces difficultés, en donnant aux participants un accès à la formation à distance, en temps réel, en complément des sessions en présentiel. Objectif : permettre un partage des connaissances entre spécialistes et apprenants, autour d’images endoscopiques.
Antoine Bonneau, CEO de Zenika Nantes,
Yasmine Doghri , ingénieure recherche recrutée pour le projet et
Cédric Dumas, enseignant-chercheur à IMT Atlantique.
Des images de haute qualité
La plate-forme bénéficie des progrès considérables réalisés en matière d’imagerie médicale. « L’amélioration de la qualité des capteurs CCD, de l’éclairage, des possibilités du zoom et aussi des techniques de filtrage permettent aujourd’hui d’obtenir des images en haute définition d’excellente facture, souligne Cédric Dumas. On distingue bien la vascularisation des tissus, et cela renseigne sur les pathologies rencontrées - on peut par exemple détecter très tôt un cancer. »
Et surtout, les utilisateurs de KIMI - apprenants et spécialistes, au nombre de quelques dizaines - peuvent annoter et commenter ces images. L’ergonomie de la plate-forme offre de nombreuses possibilités : il est possible de sélectionner une zone spécifique de l’image, de rédiger un commentaire, d’en discuter en temps réel… KIMI intègre aussi une saisie des résultats d’analyse pathologique. De quoi permettre à la communauté des médecins et des experts de poser un diagnostic pertinent, et de décider du traitement du patient.
Le spécialiste peut aussi utiliser KIMI pour questionner les apprenants, et évaluer leurs réponses. Il peut également, quand un problème est détecté à l’image, ordonner un examen complémentaire - une biopsie, par exemple. En quelques jours, un diagnostic incontestable pourra ainsi être établi et partagé.
Collaboration à distance et aide au diagnostic
La plate-forme fonctionne donc à la fois comme un forum interactif réunissant étudiants et spécialistes, et comme un outil d’aide au diagnostic et à la prise en charge des patients. Par la suite, KIMI pourra utiliser la banque d’images et les connaissances accumulées pour mettre sur pied, grâce à des techniques d’intelligence artificielle, un outil d’assistance au diagnostic.
L’origine du projet remonte à 2011 : tout est parti d’une collaboration avec des médecins qui utilisaient l’endoscopie - d’abord pour le thorax, puis en gastro-entérologie. Initiée en 2014, la plate-forme a été construite par étapes, notamment grâce à un financement de la Région Pays de la Loire. Un outil de formation, baptisé Medimq, a été testé et présenté, avant une première version de KIMI apparue en 2015. Peu à peu, ses concepteurs l’ont perfectionnée. KIMI a notamment été utilisée par les promotions 2018 et 2019 du Diplôme d’Université (DU) d’endoscopie diagnostique avancée du CHU de Nantes, le cursus de référence en France sur ce sujet. Et pour 2022, KIMI devrait être adoptée par les anciens du DU.
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La dimension humaine prépondérante
« Nous nous intéressons d’abord à la façon dont les gens peuvent travailler ensemble, souligne Cédric Dumas. Cette dimension humaine est désormais primordiale. Pour élaborer des outils collaboratifs sur des plateformes temps réel, il faut comprendre les besoins des utilisateurs, des clients, des différents acteurs… Les aspects purement techniques ne suffisent pas. Les designers et les ergonomes, qui étaient absents des entreprises informatiques il y a quelques années, occupent aujourd’hui une position clé. »
Reste maintenant à faire passer le projet KIMI de la recherche à un stade plus opérationnel. Pour cela, l’équipe a signé à l’été 2021 un partenariat avec l’entreprise Zenika, une ESN d’innovation technologique et managériale. Objectif, peaufiner la plate-forme et la rendre plus fiable, afin d’en faire un produit de qualité «industrielle »… et si possible la commercialiser. KIMI pourrait par exemple intéresser une entreprise qui opère dans la formation médicale, un fabricant de matériel médical, ou une société savante… IMT Atlantique et Zenika ont déjà pu recruter une ingénieure de recherche, grâce au soutien financier du Plan de relance. A plus long terme, KIMI pourrait également être adaptée à d’autres spécialités médicales : les technologies utilisées sont en effet aisément réplicables.
« Ce type d’outil collaboratif « temps réel » est promis à un développement considérable, assure Cédric Dumas. La dimension humaine, collective, apporte un bénéfice majeur. Travailler avec ses pairs, observer, discuter ensemble des solutions à mettre en oeuvre… C’est une des voies d’avenir pour des projets complexes - en médecine comme dans de nombreux autres domaines. »
par Fabienne MILLET-DEHILLERIN