L’industrie du futur, sujet clé pour IMT Atlantique et la Région Pays de la Loire

Du 22 au 24 juin, IMT Atlantique organise à Nantes "MIM 2022", la grand messe de l’industrie du futur, qui réunira plus de 700 experts et chercheurs venus du monde entier. Alexandre Dolgui, président de la manifestation et directeur du département automatique, productique et informatique d’IMT Atlantique, et David Lemoine, président du comité d’organisation et chercheur au sein de ce même département, expliquent la portée et les enjeux de cet événement.

MIM 2022, conférence IFAC : l'industrie du futur

Vous organisez du 22 au 24 juin prochains la conférence MIM 2022 consacrée à l’industrie du futur. Que représente cet événement ?

Alexandre Dolgui : C’est un événement important pour l’école, mais aussi pour la ville de Nantes et pour la Région, car il s’agit d’un sujet clé, à la fois au plan scientifique et pour le développement économique. MIM a lieu tous les trois ans. Il réunira cette année plus de 700 chercheurs et experts venus du monde entier, parmi lesquels des pointures de rang mondial. En outre, le thème choisi, «Nouveaux défis pour la gestion et le contrôle à l'ère de l'industrie 4.0 », est au cœur des préoccupations actuelles. De nombreuses questions se posent en effet, notamment sur la fiabilité et la résilience des chaînes d’approvisionnement. Les perturbations liées au Covid ou à la guerre en Ukraine ont mis en exergue l’importance de ces sujets. Les thèmes que nous traiterons seront donc bien en phase avec l’actualité.

David Lemoine : Les ressources se raréfient, et nous devons réduire notre empreinte environnementale. Une des questions qui se posent est celle-ci : comment produire mieux avec moins ?  

Comment pourriez-vous définir, en quelques mots, « l’industrie du futur » - ou «industrie 4.0 » ?

AD : L’industrie 4.0 repose avant tout sur l’usage intensif du numérique dans l’entreprise et sur l’interconnexion de ses différents éléments. Le recours à des outils comme les données massives, l’intelligence artificielle, la simulation, les jumeaux numériques ou l’Internet des objets modifie en profondeur le fonctionnement de l’entreprise. On peut ainsi adapter et reconfigurer en temps réel le système de production et la chaîne logistique, et mettre en place des dispositifs d’optimisation dynamique et d’auto-organisation. Des outils d’aide à la décision peuvent également intervenir à toutes les étapes de la production. De quoi développer des produits «intelligents », instaurer une planification intégrée de la production et de la chaîne d’approvisionnement, et mettre en place une gestion intégrée du cycle de vie du produit. C’est un véritable changement de paradigme pour le monde industriel.

Et quelles sont les avancées récentes dans ce domaine ?

AD : Depuis quelques années, de nouveaux outils, de nouveaux modes d’organisation sont apparus, comme les blockchains, qui améliorent la traçabilité ; les jumeaux numériques, dont l’utilisation permet d’optimiser, par exemple, le fonctionnement des chaînes de production ; ou encore le « cloud manufacturing » et l’Internet des objets. Tout cela suscite beaucoup de questionnements - auxquels la Conférence tentera d’apporter des réponses.
DL : De façon générale, l’entreprise dispose de plus en plus de données pour mieux connaître et affiner ses process, ses modes de fonctionnement, sa logistique. L’essor du big data et de l’IA dans le monde industriel constitue un tournant.

Dans quels types d’entreprise, quels secteurs et quels pays les concepts de l’usine du futur sont-ils les plus présents ? Et comment se situent la France et l’Europe ?

AD : La démarche de l’usine du futur est surtout présente dans les grands groupes, notamment dans l’automobile, la microélectronique, les biens d’équipement et l’aéronautique. Mais des entreprises de taille moyenne sont également très engagées, comme Lacroix Electronics dans notre région. Disons que l’usine du futur gagne du terrain un peu partout - y compris dans les start-ups. Les Etats-Unis sont en pointe, bien sûr, notamment grâce à l’omniprésence de leurs géants du numérique. L’Asie, et notamment la Chine, investissent beaucoup. De leur côté, l’Allemagne et la France redoublent d’efforts. Outre-Rhin, le gouvernement a mis sur pied un programme ambitieux, avec des incitations pour les entreprises.
DL : En Europe, c’est clairement l’Allemagne qui joue un rôle moteur sur le sujet.

L’essor de l’industrie 4.0 peut-il rebattre les cartes entre les différents acteurs ? En France, peut-elle aider à la réindustrialisation souhaitée par les pouvoirs publics ?

AD: Les Allemands sont convaincus que les entreprises seront de plus en plus connectées à Internet, et que cela change la donne. L’industrie 4.0 a déjà transformé le marché de l’emploi outre-Rhin. Il est probable que la même évolution va se produire en France.
DL: L’industrie 4.0 fait émerger de nouvelles activités industrielles, en lien avec le boum du numérique. On voit même apparaître des start-ups industrielles 4.0. A IMT Atlantique, un incubateur héberge des start-ups industrielles. Tout cela peut favoriser, en un sens, la réindustrialisation du pays.

Les géants du numérique ne disposent-ils pas d’un avantage concurrentiel décisif ? Cela ne pose-t-il pas, pour les Européens, un problème de souveraineté?

AD : Les géants du numérique veulent développer leurs propres technologies. S’ils parviennent à s’imposer, ils pourront contrôler une large part de l’industrie nationale et européenne. Il faut donc s’efforcer de promouvoir des solutions européennes. Il n’est pas trop tard.

Quelle place pour l’industrie du futur à IMT Atlantique ?

AD : L’Institut Mines-Télécom a signé un accord avec l’Université technique de Munich (TUM) pour créer une « académie franco-allemande » dédiée à l’industrie 4.0. Notre département est très engagé dans cette initiative. Trois de nos projets sont financés dans ce cadre. L’un porte sur les systèmes de fabrication reconfigurables (notamment pour l’industrie automobile). Un autre, avec Airbus, traite de l’approvisionnement de la chaîne de montage, en intégrant la logistique, la traçabilité, les échanges d’informations… Un troisième projet, baptisé Dreams, vise à organiser les chaînes de fabrication automobile de telle façon qu’elles permettent d’assembler, mais aussi de désassembler et de recycler des éléments en fin de vie - une démarche inédite.
DL : Par ailleurs, notre département coordonne un projet européen, Assistant, doté de 6 millions d’euros sur 3 ans, qui réunit une douzaine de partenaires comme Siemens Energy, Stellantis, Atlas Copco (compresseurs d’air) … L’idée est d’utiliser les techniques d’intelligence artificielle pour la conception, la planification et le pilotage en temps réel des chaînes d’assemblage afin d’optimiser leur fonctionnement et leur suivi, l’ordonnancement.

Et en termes de formation ?

DL : L’industrie 4.0 est présente à plusieurs niveaux et sous plusieurs formes. En particulier, nous avons mis sur pied il y a deux ans un cursus en apprentissage sur la transformation digitale des systèmes industriels (FIT). Il s’appuie sur toutes les technologies numériques et manufacturières, mais inclut aussi les questions d’énergie et d’environnement, ainsi que les sciences humaines et sociales. Nous formons ainsi des ingénieurs qui vont aider les entreprises à faire cette mutation. Ce cursus unique en France accueille une trentaine d’étudiants en 1ère année. L’industrie est très friande de ce type de profil qui va l’aider à réussir sa mutation numérique. Et nous sommes pionniers pour ce type de formation.
AD :  La formation d’ingénieurs recrutés après classe prépa, qui est le cœur de notre dispositif, est également concernée par l’industrie 4.0, à travers plusieurs options : robotique, automatique, génie industriel, aide à la décision, génie logiciel… Cela vaut aussi pour d’autres formations, comme notre master international consacré à la chaîne logistique (MOST). De même, la formation des docteurs s’intéresse à ces questions. Notre département, à lui seul, compte une trentaine de doctorants.
En réalité, presque tous nos élèves sont concernés par la révolution de l’industrie 4.0. C’est un sujet extrêmement transversal, qui mobilise presque tous les départements d’IMT Atlantique : le numérique, les questions d’environnement et d’énergie, sans oublier les sciences humaines et sociales. Nos liens avec les entreprises et nos incubateurs sont également concernés.

Quelles retombées attendez-vous du colloque ?

AD : Ce type de conférence est très motivant et très stimulant pour l’école. Cela donne un coup de projecteur sur IMT Atlantique, mais aussi sur la ville et sur la Région. A l’issue de la manifestation, les actes seront publiés en accès libre. Il s’agit donc aussi d’une action de communication scientifique majeure. Et tout cela va nous aider à élargir nos réseaux.
DL :  La Région a été une des premières en France à miser sur l’industrie du futur. Les industriels, les collectivités locales, les sous-traitants, tout le monde s’y est mis. Nous avons, tous ensemble, une vraie légitimité sur ce sujet. Avec MIM 2022, nous allons en récolter les fruits… et, si possible, conforter notre avance.

Interview de David Simchi-Levi


David Simchi-Levi, Professor of Engineering Systems & Director of the Data Science Lab to Massachusetts Institute of Technology

MIM 2022 en pratique

« Nouveaux défis pour la gestion et le contrôle à l'ère de l'industrie 4.0 » : tel est le thème de la dixième édition de MIM, organisée par IMT Atlantique du 22 au 24 juin, à la Cité des Congrès de Nantes, sous l’égide de l’IFAC (International Federation of Automatic Control). Y sont attendus plus de 700 chercheurs, experts et professionnels venus de nombreux pays. Parmi eux, plusieurs sommités de rang mondial, comme David Simchi-Levi, directeur du Laboratoire de science des données au MIT ou Michael Pinedo, professeur à la Stern School of Business de l’Université de New York.
Au programme, une série de conférences de haut niveau, de présentations et d’ateliers sur les sujets actuels autour de la modélisation, de la gestion et du contrôle de la production, à la lumière des techniques les plus récentes d’aide à la décision. Les échanges porteront notamment sur les applications les plus récentes de l'Intelligence Artificielle dans l'industrie, ainsi que sur l’apport des nouvelles technologies (blockchains, Internet des objets, edge computing…) et des domaines scientifiques émergents (big data, data analytics, maîtrise des risques …) dans la gestion et le contrôle de la production. De nombreux autres sujets seront abordés, comme la production centrée sur l'homme, l'explicabilité et l'éthique dans les modèles d'aide à la décision ou l'Interaction homme-machine - et leur place parmi les outils décisionnels pour l'industrie.
MIM 2022 est soutenu, entre autres, par la Région Pays de la Loire, la Ville de Nantes et Nantes Métropole

Publié le 16.06.2022

par Fabienne MILLET-DEHILLERIN

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