La physique quantique : points de repère, premières applications et promesses

Ginés Martinez, directeur du laboratoire Subatech (CNRS/IN2P3, IMT Atlantique, Nantes Université) expose à grands traits les principes de base et les applications - actuelles et futures - de la physique quantique. Il pointe aussi les questions que celle-ci laisse pour l’heure sans réponse.

La physique quantique, c'est quoi exactement ?

La physique quantique avec Ginés Martnez
Ginés Martinez

Au début du XXème siècle, certains phénomènes naturels restaient inexpliqués par la physique classique - voire laissaient entrevoir que la physique classique, qui avait connu tant de succès depuis le XVIIème siècle, s’avérait fausse dans de « nouveaux mondes » comme le monde subatomique. Trois observations majeures demeuraient sans explication : les raies d’absorption de gaz, les caractéristiques de la lumière émise par le soleil - que les physiciens appellent paradoxalement émission d’un « corps noir » - et l’effet photo-électrique, qui permet de transformer l’énergie de la lumière en courant électrique dans les plaques solaires. Pour les expliquer, les physiciens ont dû imaginer une nouvelle physique, tout en conservant la physique classique qui restait très solide dans d’autres régimes. Ainsi est née, dans les années 1920, la « physique quantique ». Depuis, seules six générations de physiciens se sont succédé, et la physique quantique nous a permis d’avancer dans nos connaissances fondamentales et de développer de nouvelles technologies. C’est ainsi qu’est apparue une nouvelle constante de la nature : la constante de Planck, représentée par le symbole "ℏ" or "ℎ" - au même titre que la vitesse de la lumière dans le vide « c », ou la constante de gravitation universelle « G ». Depuis 2019, le kilogramme est même défini à partir de la constante de Planck dans le Système international d’unités. N’oubliez pas de penser à la constante de Planck la prochaine fois que vous monterez sur une balance !  

Qu'est-ce que les recherches dans ce domaine ont déjà permis de faire ?

La physique quantique nous permet de comprendre la structure atomique et moléculaire, ainsi que la structure du noyau atomique. D’une certaine façon, elle est la base de la chimie, de la physique de la matière condensée et de la physique nucléaire. La compréhension de l’interaction lumière-matière grâce à la physique quantique a permis la construction en laboratoire de curiosités scientifiques comme le Maser (Laser de micro-ondes) et plus tard le Laser (avec la lumière). Elle explique la supra-conductivité et la superfluidité de certains liquides ou gaz à très basse température. Même des phénomènes de tous les jours comme la conductivité électrique ou thermique d’un métal nécessitent des concepts de la physique quantique. Les semi-conducteurs et tous les assemblages autour d’eux, comme les diodes, les transistors, la micro-électronique, les technologies multicouches hybrides pour les diodes laser ou les led, s’expliquent par la physique quantique et ont besoin d’elle pour leur développement. Idem pour la radioactivité, la fusion ou la fission nucléaire. Et finalement, les technologies de microscopie haute résolution - microscopie par effet tunnel, microscopie électronique, diffraction des rayons X et gamma dans les structures cristallines de protéines - ont vu le jour grâce à la physique quantique.

Quelles perspectives nous ouvre-t-elle pour le futur ?

Elles sont nombreuses. Tout semble indiquer que la première révolution quantique, celle du XXème siècle, va être suivie d’une deuxième au XXIème. L’essor de la cryogénie, de l’optique, de la micro-électronique a permis d’observer des phénomènes quantiques à des échelles de plus en plus grandes comme les atomes, voire les molécules, et aussi dans la micro-électronique supraconductrice à très basse température. La technologie des atomes froids va permettre la construction de capteurs quantiques de plus en plus précis, comme le gravimètre quantique produit par la société Muquans à Bordeaux. L’optique quantique permet à la société Qandela, à Paris, de commercialiser un générateur de photons uniques. La communication numérique utilisant la cryptographie quantique est déjà une réalité grâce aux photons intriqués ; elle devrait se démocratiser dans le futur.

Plusieurs techniques sont en lice (…) pour fabriquer le premier véritable ordinateur quantique  

La construction en laboratoire de systèmes artificiels avec deux états quantiques (appelés qbits) a ouvert la voie à des systèmes complexes d’assemblage de qbits qui permettront de simuler des phénomènes inaccessibles au calcul par ordinateur traditionnel. Plusieurs techniques sont en lice : photons uniques, ions, atomes froids, jonctions de Josephson… Nous ne savons pas qui sera le premier à fabriquer un véritable ordinateur quantique permettant de faire des calculs aujourd’hui irréalisables, comme casser le chiffrement RSA utilisé tous les jours dans nos échanges sécurisés par internet. Mais le processeur quantique Sycamore de Google AI a fait le buzz en 2019 avec la publication dans la revue « Nature » d’un article affirmant la suprématie quantique. Ce ne devrait être que le début de l’histoire !

La physique quantique est-elle la physique ultime ?

Dès les années 1920, les physiciens avaient compris que la physique quantique était incomplète. Elle était incompatible avec la mécanique relativiste formulée par Einstein en 1905. Le monde sub-nucléaire - que nous appelons physique hadronique et physique des particules - n’est pas expliqué par la physique quantique non plus. C’est seulement à la fin des années 1960 qu’une physique basée sur la théorie quantique de champs a été formulée, en considérant 3 interactions fondamentales : l’électromagnétisme, l’interaction faible et l’interaction forte. C’est le « Modèle standard », dont la validation ultime a été la découverte du « boson de Higgs », en 2012, dans le collisionneur LHC du CERN, à Genève. Aujourd’hui, de nouvelles questions se posent, auxquelles le Modèle standard, qui explique pourtant un grand nombre de résultats expérimentaux, ne donne aucune réponse : l’origine et la nature de la matière noire, l’origine des propriétés des neutrinos, l’asymétrie matière/antimatière ou encore le mariage inachevé du Modèle standard avec la théorie de la Relativité générale de la gravitation, qui occupe depuis des années les journées de notre ami fictif Sheldon Lee Cooper dans la série américaine « The Big Bang Theory »…

Publié le 13.01.2023

par Fabienne MILLET-DEHILLERIN

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