PREVER : pour des déchets source d’énergie

La plateforme PREVER offre un ensemble de moyens et de solutions innovantes pour produire de l’énergie à partir de résidus de toute sorte. Elle travaille en liaison étroite avec des industriels, et réalise pour eux des pilotes.

Produire de l’énergie à partir des déchets : à un moment où la question énergétique et les préoccupations environnementales se posent avec une acuité croissante, la démarche de la plate-forme PREVER (1) d’IMT Atlantique a de quoi séduire. « Nous travaillons à proposer aux industriels des solutions innovantes pour valoriser leurs résidus », résume Khaled Loubar, son responsable, enseignant-chercheur au département Systèmes énergétiques et environnement (DSEE).

Khaled Loubar dans la halle PREVER
Inaugurée en 2014 et installée sur le campus nantais de l’école, PREVER planche sur des déchets de tous types : résidus de l’industrie agro-alimentaire et de l’agriculture, bois flottants (environ 100.000 tonnes par an débarquent sur les côtes de France) ou bois souillés par une pollution, restes de matériaux plastiques et composites, boues de stations d’épuration, ou encore déchets d’emballage. Pour chacun d’eux, la démarche consiste d’abord à le « caractériser », pour pouvoir ensuite lui appliquer un traitement approprié - combustion, gazéification, pyrolyse, solvolyse (2) ou autre - permettant la conversion en énergie. Celle-ci peut être électrique, thermique ou de type co-génération. Enfin, les performances énergétiques des carburants « alternatifs » ainsi obtenus sont évaluées dans différentes conditions d’utilisation, ainsi que leurs impacts environnementaux.

Pour chaque type de déchet, un « traitement » spécifique

« En règle générale, nous proposons de mettre en oeuvre des pilotes pré-industriels, explique Khaled Loubar. Forte d’une douzaine de chercheurs et d’autant de doctorants, la plateforme dispose pour cela d’équipements performants : presse, broyeur, fours à pyrolyse et gazéification, turbine à gaz, chaudière biomasse, matériel de co-génération… Le tout regroupé en trois espaces distincts : une halle hébergeant divers réacteurs de conversion des résidus, un ensemble de cellules d’essais pour moteurs à combustion interne (de type diesel ou essence), et un laboratoire complet pour effectuer l’analyse physico-chimique des carburants alternatifs.

labo PREVER
Pour les pneus usagés, par exemple, la plateforme a testé la pyrolyse, un procédé de dégradation thermique à haute température et sans oxygène. «On obtient alors trois éléments : un gaz, une huile et du noir de carbone, qui est utilisé notamment par l’industrie du pneu », expose Khaled Loubar. Un travail qui a donné lieu à la rédaction de plusieurs thèses.
Les déchets humides, eux, sont soumis à une pression élevée, à haute température - un traitement qui produit une huile. L’équipe étudie aussi la valorisation des déchets de plastique - seuls 30 % sont aujourd’hui recyclés en Europe. « Les premiers résultats en laboratoire sont prometteurs », assure le chercheur.
Quant au banc moteurs, il permet de comparer, grâce à une série de capteurs, les performances d’un carburant « alternatif » avec celles d’un carburant traditionnel. Ou encore de réaliser diverses mesures en fonction des conditions d’utilisation : on peut ainsi décaler l’injection, intervenir sur différents réglages… et de la sorte, dans certains cas, réduire fortement les émissions de particules. L’équipe de PREVER a même testé des mélanges dans lesquels l’hydrogène remplace (jusqu’à 80 %) le gasoil.

Production, mais aussi stockage d’énergie

Autre volet de l’activité de la plateforme, le stockage d’énergie. Celui-ci s’effectue à l’aide d’un procédé chimique qui produit du gaz (hydrogène ou méthane), ou par compression de gaz.
Ces différents projets, en général étalés sur deux ou trois ans, intéressent nombre d’industriels, qui disposent ainsi, juste à côté des laboratoires de l’école, de démonstrateurs apportant une solution à leur problème. L’équipe de PREVER a donc noué des liens avec une dizaine d’entreprises comme TotalEnergies, Véolia ou Séché, qui financent les études réalisées pour leur compte. La plateforme travaille ainsi, en continu, sur une dizaine de projets, avec des partenaires réguliers. Elle bénéficie également de financements de l’Association nationale de la recherche (ANR).
Autant de travaux qui peuvent donner lieu à la rédaction de thèses, mais aussi déboucher sur la création d’entreprises. Deux doctorants ont ainsi créé une start-up avec un démonstrateur dédié à la gazéification. Une autre « jeune pousse » planche sur un procédé de méthanisation.
De son côté, Athéna, une start-up issue de l’incubateur de l’école, se consacre à la production d’hydrogène à partir de déchets, pour l’essentiel d’origine agro-alimentaire (laiteries, biscuiteries, eaux de cuisson de crevettes, sang d’équarrissage…). Installée juste à côté de l’équipe PREVER, elle produit des échantillons sous forme de bouteilles de différentes tailles, et travaille à la mise au point d’un réacteur pour des quantités de l’ordre d’un mètre cube, destiné à des tests en vue d’un passage à l’échelle industrielle. Et elle espère produire 40 tonnes d’hydrogène par an en 2025. Sans oublier les étapes de nettoyage et de purification de l’hydrogène avant utilisation.
Par la suite, l’équipe de PREVER espère bien continuer à monter en puissance. Elle prévoit notamment de professionnaliser davantage son fonctionnement - instaurer une comptabilité analytique, améliorer le chiffrage de ses prestations… - notamment afin de participer à des projets de recherche européens. Autre objectif : recruter de nouveaux collaborateurs, afin de renforcer ses liens avec les industriels. Enfin, l’équipe souhaiterait accueillir davantage d’étudiants et les associer à sa démarche. « Ceux qui viennent visiter nos locaux, par exemple à l’occasion de TP, sont en général très motivés par la production et l’utilisation de biocarburants », observe Khaled Loubar. Bref, les chantiers ne manquent pas pour PREVER. De quoi conforter le positionnement marqué d’IMT Atlantique sur la transition énergétique.


(1) Plateforme de Recherche et d’Etude sur la Valorisation Energétique des Résidus.
(2) Réaction d’un composé avec un solvant, qui le dissout en totalité ou en partie.

 

Publié le 20.10.2022

par Fabienne MILLET-DEHILLERIN

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