Un vent nouveau pour la qualité de l’air intérieur

Une équipe de recherche d’IMT Atlantique a mis au point une nouvelle méthode pour analyser les microorganismes présents dans l’air intérieur. Contrairement aux méthodes traditionnelles, cette approche permet un échantillonnage représentatif sur de longues durées. Un nouveau souffle pour une préoccupation souvent reléguée au second plan. 

 Nous sommes plutôt bien sensibilisés à la qualité de l’air en extérieur, mais l’air intérieur est souvent oublié », déplore Aurélie Joubert, professeure en génie des procédés appliqués au traitement de l’air à IMT Atlantique. Pourtant, la qualité de l’air intérieur constitue une véritable préoccupation de santé publique, car les environnements intérieurs sont le premier compartiment d’exposition à de nombreux polluants qui s’y accumulent. On y trouve des polluants chimiques, comme les composés organiques volatils, les particules fines, mais aussi des micro-organismes comme des bactéries, des virus ou des champignons. C’est précisément sur ces micro-organismes invisibles que l’équipe de l’enseignante-chercheuse a concentré ses recherches pour leur dernière publication.
Celle-ci présente les résultats des recherches menées dans le cadre d’une thèse réalisée en partenariat avec l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Gaëtan Pavard, aujourd’hui docteur, s’est consacré durant son doctorat à l’étude d’une méthode d’échantillonnage pour surveiller les micro-organismes présents dans l’air intérieur des bâtiments. Cette approche repose sur l’utilisation des filtres de reprise des centrales de traitement d’air, et se distingue des méthodes traditionnelles par sa capacité à collecter des données sur de longues durées. « Cela permet de quantifier une contamination moyenne, plus représentative de la réalité », explique Delphine Deshayes, doctorante et première autrice de l’étude. « Ce n’est pas juste une photo à un instant T », ajoute-t-elle.

Des méthodes traditionnelles bien souvent inadaptées

Les méthodes traditionnelles d’échantillonnage actif des aérosols microbiens dans les environnements intérieurs – collecte sur plaque d’agar agar, collecte dans un liquide ou filtration sur membrane – montrent rapidement leurs limites. Ces dispositifs ne permettent de prélever des échantillons que sur une courte durée, quelques heures seulement, avec des volumes d’air restreints.
Face à ces contraintes, l’équipe de recherche a décidé d’utiliser les filtres de reprise des centrales de traitement d’air comme supports d’échantillonnage. Les filtres, qui traitent continuellement l’air des bâtiments, agissent comme des accumulateurs de particules biologiques. Les scientifiques y ont fixé des disques de prélèvement pour y récolter, en continu, les micro-organismes présents dans l’air. Contrairement aux échantillonneurs traditionnels, cette méthode permet d’analyser des volumes d’air beaucoup plus importants, et donc d’obtenir des résultats plus représentatifs. Les disques permettent en outre d’obtenir des échantillonnages représentatifs sur des durées pouvant aller jusqu’à une année complète.

Aurélie Joubert et Delphine Deshayes

Aurélie Joubert et Delphine Deshayes

Un an pour révéler l’invisible de l’air intérieur

Pour tester l’efficacité de cette méthode, l’équipe a mené une étude d’un an dans un bâtiment de bureaux du campus de Nantes d’IMT Atlantique. Chaque mois, des disques ont été prélevés puis analysés afin d’étudier la présence de bactéries et champignons par méthode culturale et séquençage ADN. Des tests de détection de virus spécifiques ont également été réalisés par des méthodes de biologie moléculaire. Résultat : les disques montrent une diversité importante des micro-organismes présents dans l’air intérieur.
Parmi les bactéries identifiées, certaines ont été attribuées à l’environnement extérieur, d’autres sont issues du microbiome humain des occupants du bâtiment. En ce qui concerne les champignons, des genres souvent présents dans l’environnement extérieur ont été détectés, probablement introduits dans les bâtiments par transfert ou les déplacements des personnes. Plus inédit, puisque difficiles à observer avec les méthodes traditionnelles, l’étude a également permis de détecter des virus. Des coronavirus saisonniers ainsi que des adénovirus ont ainsi été identifiés, lors des périodes où leur circulation dans la population était la plus élevée.

Mieux échantillonner pour mieux analyser

L’un des principaux atouts de cette méthode repose sur son impact minimal sur le fonctionnement des filtres, ce qui garantit une consommation énergétique stable du système de ventilation. Par ailleurs, les disques peuvent être collectés facilement sans nécessiter le retrait complet des filtres, ce qui simplifie considérablement le processus d’échantillonnage.
Grâce à cette méthode, un large éventail d’outils pour analyser les échantillons est possible. En combinant les méthodes de culture traditionnelle avec des techniques génomiques comme le séquençage, il devient possible d’identifier une grande diversité de microorganismes, y compris certains qui ne peuvent pas être cultivés en laboratoire. « Notre méthode permet d’accumuler, extraire et identifier des micro-organismes qui peuvent être présents en faible concentration dans l’air intérieur, et présente donc moins de contraintes par rapport aux seuils de détection des méthodes d’analyse », fait remarquer Delphine Deshayes.

Mieux échantillonner pour mieux analyser

Affiner la méthode, élargir les applications

Des ajustements restent toutefois nécessaires pour optimiser certaines étapes du processus, conviennent les deux chercheuses. « Il reste un vrai enjeu sur l’analyse, pour augmenter la fiabilité des résultats », éclaire Aurélie Joubert.  L’extraction de l’ADN à partir des disques, par exemple, pourrait être améliorée. Certaines séquences génétiques restent en effet difficiles à identifier en raison de la qualité de l’extraction ou de l’incomplétude des bases de données actuelles.
« Maintenant que nous savons quantifier les micro-organismes, il nous reste à quantifier les risques ! », déclare Aurélie Joubert en jetant un regard à Delphine Deshayes. C’est précisément l’objet de la thèse de cette jeune chercheuse, une nouvelle fois en partenariat avec l’EHESP. Son objectif est d’identifier les souches de bactéries potentiellement dangereuses pour la santé présentes dans l’air intérieur et d’analyser leur antibiorésistance. Pour ce faire, des hôpitaux de Rennes et de Brest servent de terrain d’application pour la méthode d’échantillonnage. Rendez-vous dans 2 ans, donc, pour les résultats de cette nouvelle expérimentation.
 

Plus d'info

Cet article est republié à partir du blog I'MTech.

Lire l'article original : « Un vent nouveau pour la qualité de l’air intérieur »

Publié le 10.02.2025

par Fabienne MILLET-DEHILLERIN

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