Collectivités locales, industriels et écoles d’ingénieurs collaborent au sein de la chaire ValaDoE sur les réseaux d’énergie. Objectif : proposer des solutions innovantes afin de rendre ces réseaux plus performants.
Comment améliorer l’efficacité des réseaux d’énergie ?
La question, à l’heure du défi climatique et de la transition énergétique, se pose désormais avec acuité. C’est précisément sur ce sujet que planche la chaire ValaDoE, pilotée par IMT Atlantique, et dotée d’un budget initial de plus de 800.000 euros.
Lancée en 2019, ValaDoE (pour « VALeur Ajoutée DOnnées et Energie ») mobilise des acteurs d’horizons divers : collectivités locales (Conseil régional des Pays de la Loire, Nantes Métropole), industriels (Enedis, Akajoule), institutions académiques (Fondation Mines-Télécom, IMT Atlantique, Ecole des Mines de Saint-Etienne, Télécom ParisTech).
« Notre ambition est de mettre à profit cette diversité d’approches pour permettre l’émergence, au plan local, de solutions innovantes en matière de planification énergétique, notamment via les réseaux d’énergie », explique Bruno Lacarrière, chercheur au département systèmes énergétiques et environnement (DSEE) de l’école et responsable de la chaire.
ValaDoE entend notamment fournir des outils et méthodes d’aide à la décision pour le pilotage des différentes sources connectées et pour les choix d’investissements. De quoi apporter une contribution majeure à l’essor des réseaux multi-énergie, intelligents et flexibles de demain.
La chaire est en outre homologuée Smile, une association qui soutient le savoir-faire français en matière de réseaux énergétiques intelligents. Forte de quelque 240 adhérents, Smile accompagne des projets de démonstration technologique, afin de renforcer leur visibilité, y compris à l’international.
Compte tenu de sa composition, ValaDoE mobilise un large panel de compétences :
- ingénierie de l’énergie et mécanismes de marchés,
- développement numérique,
- big data,
- IA,
- Internet des objets,
- modélisation,
- optimisation,
- aide à la décision,
- maths appliquées….
Les travaux de la chaire reposent ainsi sur une démarche très pluridisciplinaire.
Le partage des données, enjeu clé
Pour les partenaires, dont les intérêts sont parfois divergents, un des enjeux clés consiste à travailler ensemble les données, afin d’en tirer des informations utiles, susceptibles d’accroître l’efficacité des réseaux en matière de production, de distribution et de stockage de l’énergie. « Ces données peuvent contenir des informations stratégiques ou confidentielles, ce qui explique certaines difficultés à les partager, précise Bruno Lacarrière. Mais le cadre académique de la chaire garantit une neutralité propre à rassurer les acteurs.». Les modalités techniques de partage des données, de leur utilisation, de l’analyse de leur qualité, de leur informativité, ainsi que leur robustesse, constituent, au reste, quelques-uns des sujets sur lesquels planche la chaire.
Au départ, sept thématiques ont été identifiées. Parmi celles-ci, le fonctionnement optimum des réseaux multi-énergie dans un contexte décentralisé, en intégrant les productions locales (énergies renouvelables ou non) ; les bénéfices potentiels d’un couplage local des réseaux de différents vecteurs énergétiques ; ou encore les mécanismes de marché des échanges d’énergie. Autant de pistes de travail qui permettent d’esquisser l’évolution des réseaux d’énergie du futur - du point de vue de leur conception, de leur déploiement et de leur exploitation. A la clé, la perspective de gains d’efficacité significatifs - mais bien sûr impossibles à quantifier avec précision, d’autant que de multiples paramètres sont en jeu.
Dans un premier temps, ValaDoE a privilégié les travaux sous forme de thèses. L’une d’elles, rédigée par Diego Kiedanski, traite des nouveaux mécanismes des marchés locaux de l’énergie, permettant notamment de concevoir des investissements partagés (1). Dans une autre, Sara Fakih examine l’apport des énergies renouvelables et du stockage sur un réseau face à une variabilité incertaine de la demande - un travail directement utilisable par les collectivités locales ou les gestionnaires de réseaux (2). Une troisième, qui devrait être présentée en septembre, étudie les moyens d’obtenir des informations fiables et à faible coûts de réseaux de capteurs massivement déployés (3).
Certains de ces travaux ont été financés via le contrat CIFRE (Convention industrielle de formation par la recherche), qui permet à un jeune chercheur de préparer son doctorat en entreprise, en lien avec un laboratoire public. De son côté, la Région complète ce mécanisme en cofinançant également des thèses de ressourcement scientifique, à hauteur de 50 %, via un dispositif « tandem ». Une combinaison de solutions de cofinancement a permis le démarrage de quatre nouvelles thèses, sur des sujets comme les systèmes « multi-énergie » ou l’apport de l’IA à la modélisation énergétique.
Un réseau original de production de connaissances
« Tous ces sujets ont été définis et pensés en commun dans le cadre de la chaire, souligne Bruno Lacarrière. Aujourd’hui, les acteurs commencent à s’approprier les résultats. Ils vont pouvoir les mettre en œuvre et en évaluer l’efficacité. »
C’est ici qu’apparaît un autre bénéfice majeur de la chaire. Au-delà de sa production scientifique proprement dite, celle-ci offre en effet un mode de collaboration original entre ses acteurs. « Peu à peu, ValaDoE a inventé une manière de travailler ensemble. Elle est devenue un réseau de construction de connaissances sur les questions d’énergie, estime Bruno Lacarrière. La transition énergétique est un sujet qui nécessite de prendre le temps de la réflexion. Or c’est trop souvent une logique de court terme qui s’impose, avec des choix structurants effectués dans la précipitation. Avec la chaire, les partenaires se donnent le temps. ».
Cette démarche s’accompagne d’un enrichissement continu de la chaine de valeur, à l’image d’Akajoule, société de conseil et d’ingénierie en efficacité énergétique, qui a rejoint la chaire au cour de la période. Signe que les partenaires de la chaire apprécient ce mode de fonctionnement, après une première phase de 4 ans achevée en novembre 2022, ils travaillent ensemble au renouvellement du partenariat pour un nouveau cycle. Un des objectifs est d’élargir l’éventail des acteurs. Les sujets ne manquent pas et ValaDoE prévoit de se pencher sur les dispositifs multi-énergie et sur les modèles énergétiques locaux, toujours via le prisme de la donnée. La chaire devrait aussi faire appel à de nouveaux modes de financement de thèses, et développer d’autres formes de recherche, comme les post-doctorats, afin d’accélérer le transfert de connaissances vers le monde opérationnel.
- (1) Première thèse soutenue pour la chaire ValaDoE (présentation PDF)
- (2) Soutenance de thèse sur Optimisation de l’intégration d’EnR et de batteries en soutien aux réseaux électriques existants intégrant une demande variable et incertaine
- (3) Le sujet de thèse de Coline Baraize porte sur les : "Apports de la combinaison des modèles physiques et des modèles à base de données pour la modélisation des réseaux multi-énergie"
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