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Intelligence Artificielle sur l’Activité Policière
Projet ANR JCJC
Agrément n° ANR-21-CE26-0023-01
Démarrage : 2022
Fin : 2026

Vidéosurveillance « intelligente », reconnaissance faciale, cartographie prédictive, etc. sont autant de dispositifs venant renouveler l’action policière. Ils sont censés construire des « villes sûres » / « safe cities » grâce aux apports de l’intelligence artificielle (IA). Trois grands questionnements articulent la recherche :

1) En suivant l’hypothèse d’une « scientifisation » du savoir policier, on se demandera comment les procédés algorithmiques changent les modes de connaissance et de représentation des phénomènes de délinquances : passe-t-on d’une police de l’information au « big data policing » ?

2) Ces outils entraînent-ils les politiques de sécurité publique vers de l’action prédictive ou sont-ils avant tout des outils de rationalisation de l’activité policière (en fournissant à la hiérarchie policière des indicateurs plus précis sur l’action des policiers de terrain) ?

3) Il s’agit enfin d’analyser comment la mise en débat des outils d’IA à des fins de sécurité urbaine – soulevant de forts enjeux de libertés publiques et de protection des données personnelles – pousse les chercheurs et développeurs informatiques à intégrer des questions politiques et sociales dans leurs productions scientifiques et techniques.

Le contexte

Ce projet de recherche part du constat que l’« algorithmisation de la vie sociale », soit la mise en algorithme d’un nombre de plus en plus important d’activités sociales, reconfigure de manière importante les méthodes par lesquelles nos sociétés produisent de la connaissance sur elles-mêmes et se gouvernent. La police n’échappe pas à ces innovations numériques et aux mutations du travail qu’elles génèrent. Ce projet de recherche porte sur les façons dont le renouveau récent des techniques d’intelligence artificielle (IA, et plus spécifiquement l’apprentissage profond fonctionnant avec des réseaux de neurones) transforme à la fois les modes de connaissance des phénomènes de déviance et les dispositifs de prévention et de sécurité. Les (grandes) villes apparaissent comme les terrains d’expérimentations privilégiés pour tester et déployer ces innovations au sein de dispositifs dits de « safe city / ville sûre ». Une étude exploratoire de ces projets permet d’en distinguer deux principaux objectifs : acquérir une connaissance en temps réel des mobilités et des événements sur un territoire (capteurs de mouvement, sonores, olfactifs, etc., vidéosurveillance « intelligente », reconnaissance faciale, etc.) ; développer des capacités prédictives d’action (cartographie prédictive, détection de signaux faibles sur les réseaux sociaux numériques, calcul de risque d’occurrence d’incident, détection des mouvements de foule, etc.). S’il faut se tenir à distance des promesses et visées marketing de ce type d’innovations, ils offrent au chercheur des cas circonscrits pour examiner les dynamiques plus larges d’innovation. À côté des acteurs classiques du champ de la sécurité que sont les organisations policières, les pouvoirs publics et les entreprises de sécurité privées, les projets de « safe city » font apparaître des acteurs moins habituels : les laboratoires de recherche en informatique, les firmes des technologies numériques et les entreprises de services urbains. C’est à la croisée de ces champs professionnels que l’on peut saisir ce que fait l’IA à l’activité policière.

Les objectifs

Ce projet poursuit trois objectifs de recherche sur la façon dont les innovations en IA affectent la sécurité urbaine.

  • De la police de l’information au big data policing : vers un nouveau régime de quantification ?
  • La « safe city » : action prédictive ou outil de rationalisation du travail policier ?
  • Le potentiel réflexif de l’algorithmisation de l’activité policière

Pour mener à bien cette recherche, le cadre théorique croise d’une part la sociologie de la police et les surveillance studies, et d’autre part la sociologie des sciences et techniques et les sciences informatiques.

L'approche

Le travail empirique reposera sur une étude comparative canado-française de quatre projets de « safe city » : Toronto, Montréal, Paris et Nice. Ces quatre cas présentent trois caractéristiques communes qui autorisent la comparaison : présence et mobilisation de la communauté de chercheurs en IA ; appropriations et développements techniques de ce domaine par les industriels de la sécurité, de l’aménagement urbain et des nouvelles technologies ; commandes des pouvoirs publics pour renouveler leurs dispositifs de prévention et de sécurité. Il est en effet important de tenir ensemble la production scientifique, ses applications techniques et professionnelles et les projets urbains qu’elles suscitent. En outre, ces projets sont à des stades d’avancement différents : pouvoir les saisir au cours de leur développement rendra plus accessibles des éléments qui d’ordinaire demeurent relativement peu visibles. En termes de techniques d’enquête, des méthodes mixtes seront utilisées, alliant sciences sociales et informatique.

Le rôle de l'école et des écoles partenaires de l'IMT

Le coordinateur du projet consacrera 85 % de son temps de recherche (enquête de terrain en France et au Canada, et enquête scientométrique et analyse de réseau). Ce projet lui permettra de développer ses thématiques de recherche, en initiant des collaborations avec les membres de son département, et en contribuant au dialogue interdisciplinaire au sein de l’IMT Atlantique. Stéphanie Tillement (département SGG) participe également à la partie sociologique de l’étude, Lina Fahed (Lussi) assure la partie informatique du projet, avec le soutien de Philippe Lenca (Lussi).

Les partenaires académiques français et étrangers

Le Centre de recherches sur le droit et les institutions pénales (Cesdip : CNRS, Université Versailles Saint-Quentin, ministère de la Justice, Cergy Paris Université) développe des travaux sur les questions de sécurité publique, de réformes managériales des polices, de comparaison des polices ou gestion locale des désordres urbains ou encore de relations police-populations. Le centre travaille également sur la politique de la ville et la rénovation urbaine, qui articulent les enjeux de cohésion sociale, d’aménagement urbain et de prévention de la délinquance. Jacques de Maillard et Renaud Epstein, professeurs de science politique et chercheurs au centre, participeront ainsi aux enquêtes de terrain en France et au Canada et à la valorisation.

Le Cresppa-CSU (UMR 7217), au croisement de la sociologie et de la science politique explore notamment les questions autour de la ville et des ségrégations urbaines. Myrtille Picaud, chargé de recherche CNRS et membre du CSU, participe à l’enquête et l’analyse de terrain, en se focalisant sur les luttes et controverses qui contribuent à la production des politiques de sécurité numérique pour les espaces urbains.

L’Université de Montréal (et son Centre International de Criminologie Comparé) apporte son expertise, ses réseaux académiques et dans le milieu de la sécurité, essentiels pour l’accès aux cas canadiens.

Les résultats attendus

Dans les collaborations entre sociologie et informatique (et plus largement entre SHS et sciences techniques), la première est souvent cantonnée aux enjeux d’acceptabilité sociale des innovations issues de la seconde. Si ces questions sont légitimes, celles-ci entretiennent un rapport utilitariste entre disciplines qui limitent les impacts scientifiques de l’interdisciplinarité. Le projet IAAP, tout en étant attentif à ces enjeux, propose un pas de côté dans la mesure où il interroge les conditions sociales et techniques de possibilité du développement d’une police algorithmique, et de ses effets. Pour les pouvoirs publics (polices et collectivités) : une meilleure explicabilité des modèles d’IA utilisés permettra des usages plus réflexifs et plus raisonnés de ces outils. La comparaison franco-canadienne permettra de faire état des « bonnes pratiques » de part et d’autre de l’Atlantique. Des recommandations d’usage seront faites par l’équipe de recherche. Les résultats alimenteront également la réflexion des pouvoirs publics sur la régulation de ces outils. Outre les enjeux de l’open data, les usages policiers des outils de l’IA posent inévitablement des enjeux en matière de protection des données personnelles, de transparence et de loyauté dans les choix accomplis par les algorithmes et de libertés publiques.

Les prochaines étapes

Un séjour d’étude est prévu par le coordinateur du projet sur le 1 er semestre 2023 au Canada. Il sera accueilli au Centre International de Criminologie Comparée, à l’Université de Montréal.

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